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Questions spécifiques à la mise en scène en classe

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La mise en scène en classe suppose qu'on réponde à un certain nombre de questions spécifiques à ce milieu. Nous ne sommes pas en effet dans un milieu professionnel et il est des choix où le pédagogique et l'artistique sont parfois en tension. Ce qui a toujours primé dans mon cas, c'est l'importance des apprentissages. 

Parmi les questions qui se pose à l'enseignant metteur en scène, je vous en propose plusieurs ainsi que les réponses que j'y ai apportées.

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Répartir les rôles : un casse-tête ?

 

La première mouture du texte est finie… Il ne reste « plus » qu’à la mettre en scène. Une première lecture en classe doit nous permettre de détecter les scories du texte, les contradictions… Puis vient le moment de répartir les rôles. Instant difficile pour le professeur, car il doit, d’une part rencontrer les attentes des élèves, veiller à l’équilibre des rôles et à faire en sorte que le rôle de chacun soit à sa mesure.

Pour y parvenir, j’ai tâché de rassembler un grand nombre d’informations avant de commencer la répartition des rôles… sachant que c’est moi qui, en dernier ressort tranche pour attribuer les personnages.

  1. M’informer sur les attentes des élèves… Tous ne souhaitent pas jouer un « grand » rôle. Certains le souhaiteraient même le plus petit possible. Il me faut d’abord connaître leurs attentes : grand, petit, moyen rôle…

  2. M’informer sur la longueur des rôles. Depuis que j’ai imposé le jeu masqué, je n’hésite pas à attribuer le même personnage (un grand rôle) à plusieurs acteurs en fonction des tableaux.

Pour délimiter la longueur du rôle, je fais l’inventaire des répliques en indiquant le nombre de lignes pour chaque personnage.

  1. Au cours de l’écriture, je repère les élèves qui se sont investis dans l’élaboration de tel ou tel personnage… Certains ont tellement mis dans leur création qu’il peut s’avérer injuste de le leur retirer.

  2. Enfin, lorsque j’hésite entre plusieurs acteurs, je leur propose de jouer une ou l’autre réplique, ou d'improviser une scène similaire… Très vite, les élèves repèrent eux-mêmes celui ou celle qui doit incarner tel ou tel personnage. Pour peu que le rôle que je leur propose par ailleurs soit intéressant, rares sont ceux qui sont mécontent de la répartition.

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Cela donne un tableau à peu près similaire à ce type de tableau… Mis à part qu’il comporte généralement entre 15 et 25 personnages.

 

 

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Bien sûr, un rôle n’est pas l’autre et un « grand » rôle par le nombre ou la longueur des répliques n’est pas nécessairement un grand rôle par le jeu. Mais l’équilibre que j’essaye d’établir n’est et ne peut être parfait. L’essentiel est que tous les acteurs trouvent à accomplir un défi à la hauteur de leur talent.

Incarner le personnage

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La création des personnages est une étape importante avant la mémorisation du texte. J’insiste toujours sur le fait de ne pas étudier le texte avant d’être parvenu à donner vie à son personnage, sous peine d’être plus attentif à la récitation du texte qu’à l'introspection nécessaire à l’expression des émotions du personnage. Le personnage connaît mieux que l’acteur le texte dont il est nourri…

Pour y arriver, je demande aux élèves de choisir deux courtes répliques qui caractérisent bien le personnage, son tempérament, son état d’esprit… Nous cherchons ensemble la démarche qui le caractérise, la voix du personnage (surtout s’il s’agit de théâtre masqué). Je fais évoluer les personnages sur des musiques en phase avec le texte (Requiem for a dream pour des personnages prêts à se pendre, musique de suspense pour des bandits, musique d’ivrogne…). La musique aide à trouver la démarche du personnage.

Très vite, je demande de choisir le costume du personnage, ce qui permet encore d’accélérer l’investissement dans le rôle. Ce phénomène est encore plus vrai avec les enfants qui prennent appui sur les accessoires de jeu pour devenir  « un autre ». Le masque joue très bien ce rôle également.

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À certains moments, il peut s’avérer nécessaire d’aider l’élève qui ne parvient pas à « tenir » son rôle en lui faisant passer l’interview de son personnage… Que faisait-il avant de venir en scène ? À quoi pensait-il ? Qu’a-t-il ressenti quand on lui a dit telle ou telle chose… ? Il peut s’avérer nécessaire de relancer le jeu des élèves en leur demandant plus de « vérité »… Certains acteurs en herbe tâtonnent en effet au début, et lorsqu’ils ont trouvé le truc, lorsqu’intuitivement ils ont joué juste leur personnage, ils sont vraiment contents… Mais il faut veiller alors à ce qu’ils retrouvent le même état d’esprit qu’au moment où ils ont joué « juste » pour la première fois, car ils ont parfois tendance à reproduire, à imiter ce qu’ils ont fait, sans incarner leur jeu, sans lui donner la crédibilité voulue, qu’ils avaient pourtant atteinte. L’acteur qui joue plusieurs jours de suite la même pièce sait qu’il doit se mettre en condition pour retrouver à chaque fois les mêmes moyens de trouver l’émotion juste.

Le jeu masqué

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Pour ceux qui se sentent moins bien dans leur peau, le masque est une occasion d’évoluer cachés… D’oser explorer davantage le rôle, de le pousser plus loin. C’est que, par sa nature même, le masque nous invite à toutes les outrances. Pour jouer juste, il ne faut pas jouer « petit ». Il ne faut pas pour autant sur-jouer… Il faut intégrer l’urgence de la situation dans laquelle se trouvent les personnages. Un masque n’est pas un personnage réaliste. Sa logique relève plus de la logique du personnage de dessin animé qui n’hésite pas à se couper les ongles au taille-haie, à tuer le voisin qui le dérange à coup de bazooka et à se faire mettre à la porte à coup de pieds au derrière…

Le jeu masqué permet enfin de jouer à plusieurs un même personnage. Cette contrainte supplémentaire s’avère en effet intéressante pour amener les élèves à travailler à plusieurs sur le statut de leur personnage. Chercher ensemble, participer à une construction collective peut s’avérer une expérience sans égale. Je me souviens d’avoir avec tous les acteurs qui incarnaient le même personnage, travaillé à son émergence progressive… L’un avait imaginé le faire parler en anglais, l’autre lui avait donné la démarche, la troisième une énergie qui lui était propre…

Il ne faut cependant pas minimiser les difficultés issue de ce type de jeu : il faut en effet suppléer à l’inexpressivité du masque par une augmentation de l’expressivité du corps, il faut maîtriser les conventions du jeu burlesque bien éloignées des conventions réaliste : les personnages ne parlent pas en même temps qu’ils marchent. Ils marchent, puis parlent. Le déplacement se fait soit en chœur, soit l’un après l’autre… On joue toujours face au public… Autant de règles dont il faut expliquer le pourquoi et le comment afin que les élèves s’en pénètrent. Pour ma part je ne pense pas qu’il soit possible à un professeur qui n’a jamais réalisé de formation de masque de parvenir à comprendre et à faire passer ce type de jeu. Ce qui ne doit pas nous décourager : de bons stages sont organisés1 et il est possible de demander l’aide de comédiens ou de metteurs en scène pour réaliser un tel projet.

1 Pour ma part, j’ai pu profiter des excellentes formations de Serge Poncelet proposées par l’Académie international d’été (AKDT) à Neufchâteau en Belgique.

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Depuis plusieurs années, le jeu masqué fait partie, avec l’approche minimaliste des décors, des choix de mise en scène. Découvert par hasard, le masque me paraît être un medium exceptionnel de formation pour les adolescents.

 

Tout d’abord parce qu’il les oblige à ce décentrer par rapport à eux-mêmes. Certains élèves sont très attachés à leur apparence et refusent d’enlaidir leur personnage, signe qu’ils ont tendance à s’identifier à lui et refusent d'entrer dans un rôle trop éloigné du leur. Ils aiment se montrer tels qu’ils sont et même lorsqu’ils jouent Arlequin par exemple, ce n’est pas Arlequin qu’ils nous montrent. En fait, on ne voit qu’eux… « jouant Arlequin ». L'apport du masque devient alors primordial. C'est un moyen de les éloigner d’eux-mêmes et de parvenir à explorer l’altérité. On les aide à « devenir un autre », à rentrer dans la peau de celui qu’ils ne seront jamais… On les amène à explorer l’empathie.

Les étapes de la mise en scène

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Mise en espace

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Avant de passer au travail de mémorisation proprement dit, je procède à une mise en espace afin de déterminer les entrées et sorties qu’il faut varier impérativement, mais aussi faire coller aux différents espaces fictifs imaginés. Si vous avez défini la cuisine comme étant la coulisse avant côté jardin… Vous devez vous y tenir tout au long de la pièce, sous peine de perdre votre public.

Cette partie s’effectue donc en positionnant les acteurs sur la scène, à la manière d’un tableau que l’on construit (les exercices sur la « photo de famille » peuvent aider de même que la « machine infernale », ou une  « chorégraphie » quelconque…) Certains exercices proposés en début d’année au cours de la séance de training de l’acteur sont donc réinvestis dans la mise en scène...

Une fois le positionnement des acteurs effectué, le vrai travail peut commencer. La répétition porte alors très bien son nom. On peut distinguer plusieurs paliers dans l’investissement du texte :

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Dans un premier temps, il s’agit de mémoriser dans l’espace le texte : bien identifier les mouvements, les pauses, l’expression.

Ensuite on passe à la mémorisation tout en gardant la dynamique nécessaire au jeu. Les élèves peuvent alors travailler par groupes la scène qu'ils ont à apprendre. Le plus difficile n'étant pas tant d'apprendre son rôle, mais aussi celui de son ou de ses partenaires, car chaque rôle ne se mémorise qu'en interaction avec les autres. Cette phase est indispensable: les élèves s'entraident; ils se sentent rassurés par le regard bienveillant de leurs condisciples, ce qui leur permet de se dépasser.

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Enfin, on ajuste le volume, l'articulation... Il faut que la voix porte, tout en gardant l'énergie du personnage, son ton... Je demande toujours à des élèves de se poster dans le fond de la salle afin de nous informer si le volume ou l'articulation sont suffisants.

Préparation à la représentation

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Tout au long de la répétition, on va également mettre en place la scénographie : le choix et les changements de lumière (à partir de quelle réplique ? Jusqu'où ?), le choix de la musique (combien de temps, à partir de quel moment ?...), la construction du décor éventuel.

 

Les fiches techniques pour la représentation vont devenir indispensables pour celui (ou ceux) qui assureront le rôle de régisseur. J'essaye également d'impliquer les élèves dans ce rôle. Lorsqu'ils peuvent assumer le rôle, j'en suis d'autant plus content qu'ils sont généralement plus compétents que moi en cette matière. Pourtant, ce rôle ne les exonère pas du jeu. Ils l'assument soit avant de jouer, soit après avoir représenté leur scène.

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Juste avant la représentation, il me semble utile de répéter le rituel d'entrée en scène : un échauffement qui va nous permettre d'entrer dans le personnage, une italienne afin de rassurer chacun sur sa connaissance du texte, une petite auto-relaxation (je les invite à refaire cet exercice que nous avons réalisé à plusieurs reprises pendant l'année) pour les plus nerveux. Rituel rassurant... permettant de gérer le stress...

Puis, en scène !

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